La patrouille des glaciers

 

Septembre 2025.

J’ai eu la chance de croiser ces gardiens silencieux. Presque invisibles, ils veillent dans l’ombre et incarnent l’âme vivante des glaciers. Leur présence est une énigme. Peu d’entre eux survivront aux bouleversements en cours, et c’est avec une infinie patience que j’ai pu les approcher. Pendant de longs mois, j’ai tenté de les convaincre. Non pas avec des mots - car le silence est leur seule loi - mais avec le temps, l’endurance et l’attention. La dissimulation des visages était une condition non négociable : leur identité doit rester hors de portée. J’ai accepté. Ils ont accepté. Alors, peu à peu, ils se sont laissés photographier.

Certains murmurent qu’ils seraient les descendants d’anciens montagnards. Je n’ai pas pu confirmer. Ils ne m’ont jamais dit à qui ils obéissent, ni quel but précis guide leurs patrouilles. Leur action semble se limiter à la surveillance, mais peut-être est-ce plus vaste, plus secret. Là réside tout le mystère de la Patrouille des Glaciers.

Le vert profond de leurs tuniques, taillées dans une matière ancienne qui rappelle le lin, est leur unique tenue, leur unique code. Femmes et hommes confondus, ils se confondent dans ce vert comme dans une bannière discrète, austère et solennelle.

Ils sont capables de courir des heures dans la montagne, de grimper avec la légèreté du chamois, de traverser le brouillard sans faillir. Ils franchissent les pierriers et les glaciers comme si la montagne elle-même les portait. Leur endurance est extraordinaire!

Cette série est le fruit de plusieurs mois d’efforts, d’attente, de marches silencieuses à leurs côtés. J’ai partagé leur solitude, sans un mot, apprenant à voir comme eux. Ce travail documentaire est avant tout une tentative de mémoire : pour qu’ils ne disparaissent pas dans l’oubli, pour que leur cause demeure noble et connue.

Je leur dois ces images. Elles sont tout ce qu’ils m’ont laissé.